9/10La Sirène des pompiers

/ Critique - écrit par iscarioth, le 14/09/2006
Notre verdict : 9/10 - Du « grand art » (Fiche technique)

La sirène des pompiers est une oeuvre sensible, dense, très humaine est qui ne manque pas d'humour. Des qualités qu'on perçoit déjà comme une marque de fabrique chez Hubert.

Dès les premiers instants de lecture de La sirène des pompiers, un album nous revient immédiatement en tête, d'ailleurs sorti chez la même maison d'édition (Dargaud) et au sein de la même collection (Poisson Pilote) : La vierge du bordel. Un album du diptyque en devenir Miss pas touche qui nous avait fait très forte sensation lors de sa sortie en mai dernier. Avec La sirène des pompiers, on retrouve la même ambiance. Une narration maîtrisée, des personnages riches et un récit chaleureux. Sans compter le dessin, poursuivant tout autant dans la lignée de Sfar... Rien d'étonnant, derrière La Sirène des pompiers comme derrière Miss pas touche, on retrouve le même scénariste... Hubert. Un nom à retenir comme l'une des révélations de l'année.


La sirène des pompiers
est très ressemblant à Miss pas touche, tout en étant bien différent sur certains points. Ici, l'histoire est entière, il s'agit d'un one-shot et l'ambiance n'est pas policière mais plutot fantastique. On s'attache toujours autant au personnage principal, ici une sirène. Sur plus de soixante pages riches en émotions et rebondissements, on nous raconte une partie de vie de la sirène, qui ne rêve pas contrairement à ses soeurs de laisser s'écouler une existence paisible ponctuée par quelques marins à terroriser. En quittant son bout de rocher pour rejoindre Paris, la sirène va de désillusion en désillusion, et fait le douloureux apprentissage de la vie. Paris, ville de lumière fantasmée, se révèle pollué et le peintre romantique dont elle tombe amoureuse est finalement dévoré par une ambition malsaine.

L'histoire se déroule surtout à la fin du 19ème siècle et évoque une période charnière dans l'évolution de l'histoire de l'art. La photographie vient bousculer la façon de représenter le réel. La peinture en tube révolutionne la technique, les peintres paysagistes et impressionnistes commencent tout juste à gagner en reconnaissance. L'académisme est sur le déclin. Gustave Gélinet, artiste raté, donne un grand coup de fouet à sa carrière en prenant pour modèle notre sirène, qu'il trouve un soir de grande déprime avant de l'emmener et de la cacher chez lui. La sirène des pompiers propose une réflexion sur la notion d'art, sans discours pompeux ni lourdeurs. Pour les aristocrates, le « grand art » est soit une mode à suivre soit un instrument de suffisance et de prétention à la grandeur sociale. La gloire obtenue est finalement bien précaire. Pour la sirène, l'art est un moyen de se rappeler, de s'émouvoir simplement.


Dans leur style héritier de Sfar et de Blain, le travail de Kerascoët et celui de Zanzim se ressemblent. La sirène des pompiers se montre toutefois plus fin (cases moins grandes, lettrage plus raffiné, encrage moins gras), sans perdre en expressivité. La sirène des pompiers est une histoire de peinture, et le dessinateur Zanzim, pour l'assumer comme il se doit, a réalisé lui-même plusieurs tableaux, dont certains sont reproduits en bonus de l'album, dans un petit livret supplémentaire conçu comme un vieux cahier d'art. On retrouve les mêmes qualités de construction que sur Miss pas touche : des dialogues et un découpage irréprochables.



La sirène des pompiers
est une oeuvre sensible, dense, très humaine est qui ne manque pas d'humour. Des qualités qu'on perçoit déjà comme une marque de fabrique chez Hubert. Un scénariste à suivre, après ce deuxième album indispensable.