8/10Anna en cavale

/ Critique - écrit par iscarioth, le 28/08/2006
Notre verdict : 8/10 - La mort aux trousses (Fiche technique)

Tags : anna livres cavale lomova lucie manga histoire

Anna en cavale est un album techniquement irréprochable, avec lequel on aurait pu rester sur notre faim, s'il n'y avait pas eu ce final si étonnant et pointu pour nous faire fermer l'album avec un grand sourire accroché aux lèvres.

Ne jugez pas un livre à sa couverture, nous a-t-on souvent répété. Et pourtant, la première de couverture, c'est le tout premier argument de vente. Elle est censée symboliser le contenu de l'oeuvre. La très jolie couverture d'Anna en cavale nous évoque les genres quotidiens et intimistes, notamment l'album De mal en pis, qui proposait une configuration similaire : un personnage, au centre de la couverture et donc de l'album, au coeur d'un vide (ici le vide du ciel, avec De mal en pis, un vide un peu psychédélique, avec quelques bulles de couleur).

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 L'album en main, on s'imagine face à un récit intimiste, et à la lecture, on se trompe... de très peu. Anna en cavale raconte les retrouvailles tumultueuses entre deux soeurs jumelles, séparées dès l'enfance. L'une d'elle est poursuivie par la mafia russe. L'histoire se situe à Prague, vraisemblablement dans les années quatre-vingt. L'un des thèmes majeurs de l'album est la vie dans un pays de l'est, du temps du bloc communiste. Comme son héroïne, Lucie Lomova vit à Prague. Avec Anna en cavale, elle nous transmet tout un patrimoine politique et national.

Les premières pages nous rapportent des gestes de la vie de tous les jours, la vie usée et monotone d'un jeune couple sur le déclin. Puis, l'album bascule successivement dans l'onirique et le policier. La « cavale », c'est un thème particulier. Il existe plusieurs histoires, en BD comme ailleurs, où le récit se base sur un personnage traqué, soit par la police, soit par des gangsters, soit par les deux. Anna en cavale rappelle Le guêpier, premier tome de la série Stéphane Clément de Ceppi, mais aussi le plus récent Petit bleu de la côte ouest de Tardi. La cavale, la fuite, est un fantasme d'envergure dans la tête du lecteur, qui génère de véritables sensations. La fuite est parsemée de personnages à rencontrer, de lieux à découvrir et de dangers à éviter. En somme, devoir fuir, c'est un peu comme voyager dans le temps ou survivre sur une île déserte. Du fantasme, de l'excitation.

Mais revenons à nos moutons. Habituellement, les hist41941
oires de cavale s'étalent sur un très grand nombre d'épisodes (Le guêpier, de Ceppi, amenant un grand nombre d'aventures). Anna en cavale étant un one-shot, on s'attend fatalement à voir arriver le traditionnel élément de résolution. Et ce dernier arrive... comme un cheveu dans la soupe, de manière assez improbable. La résolution, un peu expédiée, est corrigée par un final très amusant, qui tombe comme un couperet, mais de façon très comique. Côté graphisme, Lucie Lomova a la bonne idée d'adopter un style changeant. La majeure partie du temps, la dessinatrice oeuvre dans un genre très « ligne claire ». La coloration est réalisée dans des tons gris, qui sont appliqués de manière uniforme, sans jamais de dégradés. Les passages rêvés sont quant à eux réalisés au crayon de bois. Les retours en arrière sont eux aussi illustrés au crayonné, mais de manière moins légère, avec plus de netteté et de finition dans les détails.


Anna en cavale est un album techniquement irréprochable, avec lequel on aurait pu rester sur notre faim, s'il n'y avait pas eu ce final si étonnant et pointu pour nous faire fermer l'album avec un grand sourire accroché aux lèvres.