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9.5/10L'Antre de la terreur : Les aventures sexuelles de Lilian et Agathe

/ Critique - écrit par Maixent, le 19/05/2010
Notre verdict : 9.5/10 - Enter at your own risk (Fiche technique)

Quand la saleté confine à l'art, que le malaise est palpable et que l'on a honte de sa propre excitation. Un livre qui ne laisse pas insensible au-delà de la notion de goût est toujours un bon livre.

Quand on ouvre L'Antre de la terreur, on est tout de suite happé par le côté dégueulasse du dessin. On pense inévitablement aux Dirty Comics, ces bds vendues sous le manteau fut un temps et publiées sur du papier de mauvaise qualité, avec l'encre qui bave et tout ça. Mais il ne faut absolument pas s'arrêter à ce détail. Si le dessin est si sale c'est que l'histoire l'est aussi. Ici, point de lignes pures et d'érotisme esthétisant à la mode pin-up, place au sexe crade et sans limites, celui qui suinte et dégouline par tous les trous. On se retrouve plongé dans les bas-fonds du Londres victorien avec tout son cortège de putes de bas étage, de pauvreté, d'inculture et de miasmes.

Il y a des filles nues, elementaire mon cher Watson
Il y a des filles nues, élémentaire mon cher Watson
Pour situer l'oeuvre, L'Antre de la terreur est le seul épisode connu en France des aventures de Lilian et Agathe, les deux héroïnes et est publié ici avec toutes les scènes gores qui avaient été censurées lors de la parution dans le magazine Kiss Comix paru dans les années 90. Les auteurs, tous deux argentins sont peu connus en France par le grand public, mais ont une réelle place dans la bande dessinée et pas seulement érotique. Du moins, ce sont les informations que j'ai pu glaner via wikipedia et autres sites mais j'avoue ne pas trop en savoir sur les auteurs et Lilian et Agathe si ce n'est ce merveilleux livre.

Pour ce qui est de l'histoire, sachant qu'il s'agit d'un tome deux, elle débute par La drogue c'est mal
La drogue c'est mal, le mal c'est bien
l'évasion de Lilian et Agathe d'une sordide institution où elles étaient retenues captives. Manque de chance, elles sont peu de temps après recueillies par le bon Dr Jekyll qui s'avère être aussi Mister Hyde, tenancier d'un bordel qui ferait passer le pire back-room SM scatophile pour une attraction Disney. Ligotées et droguées au sous-sol, elles restent dans l'expectative d'être sacrifiées durant un monstrueux sabbat à la déesse Astarté, devant jusque-là rester pucelles, du moins en ce qui concerne leur vagin. Pendant ce temps-là, nous sommes en 1888, l'année où furent commis les crimes de Jack l'Eventreur et Sherlock Holmes accompagné certes de Watson, mais aussi de Sigmund Freud, mène l'enquête. Allons plus avant dans le détail de l'intrigue, c'est un cas rare dans la bande dessinée érotique que de pouvoir développer ce point, autant en profiter.

E=MC2 mon amour
E=MC2 mon amour
Tandis qu'Agathe et Lilian sont torturées ou violentées par Mr Hyde et ses acolytes, une grosse servante monstrueuse et autres créatures répugnantes et qu'un poison destiné à leur faire perdre tout contrôle d'elles-mêmes s'insinue entre leurs cuisses, sans doute un ancêtre du GHB, à Vienne, Sigmund Freud lit son journal. Aussitôt au courant des crimes de Jack l'éventreur, il s'engouffre dans le premier zeppelin en partance dans lequel il se fait sucer par l'une de ses admiratrices et arrive à Londres chez son ami Louis Stevenson. Au bordel, la vie suit son cours et Albert Einstein ébauche sa théorie de la relativité en couchant avec une prostituée après avoir vu sur scène un spectacle auquel participent aussi des chevaux. On apprend ensuite que Stevenson, du fait de sa prise régulière de coke est devenu un pervers voyeuriste, mais le père de la psychanalyse est là pour lui venir en aide et faire remonter à la surface des souvenirs refoulés.

Je m'arrête là pour le résumé de l'histoire pour ne pas spoiler un éventuel lecteur, Les ravages de l'éducation victorienne
Les ravages de l'éducation victorienne
mais on aura compris que du beau monde se côtoie dans ce bordel, que ce soit des personnages réels ou de fiction, des écrivains ou leurs créations. Qui plus est, au-delà de l'utilisation de figures connues, les auteurs maîtrisent parfaitement l'intrigue et l'ambiance glauque qui se ressent aussi bien à travers le décor que le scénario. Malgré tout, l'humour est très présent même s'il s'agit d'un humour noir et cynique.
On trouve également dans le récit un véritable engagement politique, notamment en situant l'intrigue dans cette année charnière, représentative de la nouvelle société industrielle et de « la dépravation malsaine qui contamine les classes sociales les plus aisées » (note de l'éditeur).

Viol, sodomie dominatrice, zoophilie, SM, frustration sexuelle, meurtres et tortures sont présents tout le long du livre, mais loin  d'être utilisés à des fins putassières, servent à dénoncer les dérives sur lesquelles notre monde contemporain fut fondé et nous gouverne encore aujourd'hui, ce qui ancre le récit dans notre époque.
Un excellent ouvrage à se refiler discrètement pour amateurs de sensations fortes ou tout simplement ceux qui auraient aimé une version érotique des
Contes de la Crypte. Pour tous ceux qui pensent que le « dégueulasse » est un genre à part entière et sont excités par la mélodie de Goodbye Horses et Buffalo Bill (comprend qui peut).