8/10Dix de der

/ Critique - écrit par iscarioth, le 07/11/2006
Notre verdict : 8/10 - Maître Comès, sur son arbre perché (Fiche technique)

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Dix de der est à rajouter sur la longue liste de très bons ouvrages signés Didier Comès.

Six ans ! Six ans que l'on a plus vu le nom de Didier Comès sur le présentoir des nouveautés. On commençait à s'impatienter. Il existe beaucoup de grands maîtres franco-belges du noir et blanc. Mais s'il ne fallait en retenir qu'un et qu'un seul, ce serait Didier Comès. Voilà, en guise d'introduction, pour faire court, concis et modeste.

undefined639_250. Toute l'oeuvre de Didier Comès est transpercée par le thème de la seconde guerre mondiale. C'est un nerf important de Silence, sa plus célèbre histoire. L'auteur confirme, dans une interview donnée à Casterman, son éditeur : « Toute mon enfance a baigné dans le souvenir très vif, très douloureux, très intense de la guerre, que ce soit à travers les récits et les souvenirs des adultes qui m'entouraient ou par l'entremise des lieux où j'ai grandi ». Cette influence, pour la première fois, Didier Comès l'aborde de front. La couverture ne nous donne pas à douter : un militaire au visage ensanglanté à genoux. On croit ouvrir le livre d'un récit âpre, dur et réaliste, un peu comme on l'a fait avec Jacques Tardi et son C'était la guerre des tranchées. Et bien pas du tout. Dix de der est on ne peut plus métaphorique. Planqué dans son trou, un jeune soldat se retrouve bientôt accompagné de fantômes, qui ont pris dans l'au-delà de drôles de forme. On y trouve un crâne, un crucifix et un uniforme sans corps.

Dix de der aurait pu être une pièce de théâtre. Le jeune soldat et les fantômes discutent, et c'est toute l'horreur de la guerre qu'ils révèlent, par leur conversation par nature très marquée d'humour noir. Amis, ennemis, tous sont égaux face à la mort. Les soldats s'étripent, puis, trépassés, comblent le vide de l'éternité en jouant aux cartes au fond d'un trou. Les acteurs du récit les plus cruels, sont très certainement les deux corbeaux, des religieux ainsi réincarnés après la mort qui, face au champ de bataille, interrogent Dieu (appelé « le saigneur » et qualifié de sadique) sur son existence. undefined638_250_01.« Mon idée était de mettre en évidence ce que la guerre peut avoir d'ignoble, de monstrueux, mais en même temps faire ressortir ce qu'elle peut comporter de grotesque, de ridicule, de risible ».

 Parallèlement à ces passages de surréalisme, d'absurde, qui font converser les morts, il y a les scènes de champs de bataille. La bataille des Ardennes, l'une des plus éprouvantes de la seconde guerre mondiale, restituée avec une conscience documentaire par Comès. Et l'expérience artistique de l'auteur fait son effet. Sans overdose visuelle, dans un noir et blanc nivelé, avec beaucoup de relief, les planches de Dix de der sont d'une grande clarté visuelle. Comès parle de « lisibilité maximale ». Les noirs sont tâchés de pointillés blancs mimant la tombée de la neige, les visages sont durs. L'impact des planches de Comès est tel que l'auteur n'a pas besoin d'user d'onomatopées pour simuler l'explosion dans l'esprit du lecteur.

Dix de der est à rajouter sur la longue liste de très bons ouvrages signés Didier Comès. Un album riche graphiquement, mais aussi dans son message, dans sa manière de transmettre. Indispensable à tous les admirateurs de l'artiste.