6/10Léna - Tome 1 - Le long voyage de Léna

/ Critique - écrit par iscarioth, le 16/09/2006
Notre verdict : 6/10 - Un très long voyage (Fiche technique)

Tags : lena christin pierre voyage long juillard histoire

Un rythme et une structuration insuffisantes pour placer haut le suspens et l'envie de lecture, peu ou pas d'enjeux, ce nouvel album de Juillard et Christin, eux qui s'étaient illustrés par leur sensibilité avec le Cahier bleu, déçoit par sa morosité.

Pierre Christin est un scénariste mythique, à la renommée si grande que les bédéphiles, y compris ceux les plus écoutés médiatiquement, réclament pour l'auteur une véritable reconnaissance. Reconnaissance qui pourrait passer notamment par une présidence au festival d'Angoulême. Christin a formé avec quelques dessinateurs des duos qui ont marqué le neuvième art. Avec Enki Bilal (Légendes d'aujourd'hui), Annie Goetzinger (La Demoiselle de la Légion d'honneur) mais aussi avec André Juillard, avec lequel il a signé l'un des one-shot les plus marquants : Le cahier bleu.


Le long voyage de Léna
est donc la troisième collaboration entre Christin et Juillard, à la suite du Cahier bleu et d'Après la pluie. Une sortie forcément très attendue. L'héroïne, Léna, est au centre du récit, qui ne s'en détourne jamais pour suivre un quelconque autre personnage. Une jeune femme grande, belle et sensuelle, dans le plus pur style « juillardien », ressemblant fort à celle mise en scène dans Le Cahier bleu. Coté dessin, aucune surprise, on retrouve bien le dessinateur des Sept vies de l'épervier, avec ces visages à la froideur réaliste et ce sens des proportions et de l'espace toujours très juste. Dans un texte en préface, les auteurs, au travers de leurs remerciements, expliquent s'être documenté. L'Europe de l'est représentée fait un drôle d'effet. On a l'impression de régions hors du temps, aux formes et esthétiques (vestimentaires, de décoration) dont on ne sait pas de quelles années elles proviennent.


L'histoire est celle de Léna, donc, que nous voyons parcourir l'Europe de l'est pour distribuer à des correspondants secrets des objets mystérieux, vraisemblablement destinés à des causes tout aussi obscures. Résistance ? Lutte ? Communisme ? Terrorisme ? La nature et les buts de l'organisation demeurent bien mystérieux quarante pages durant. La fin de l'album lève le voile sur un mystère persistant, qui a bien réussi à brouiller les pistes sans pour autant passionner. Le long voyage de Léna porte bien son nom. L'album est très écrit, et le rythme de lecture est faible. Les planches sont très chargées en écritures (encadrés et dialogues), l'action est inexistante, l'album est dépourvu de passages d'accélération. L'album n'est donc pas un périple, ni même une véritable aventure mais bien un « long voyage ».


Si l'intrigue, presque policière, ne passionne pas, il reste les émotions et l'empathie développées par le personnage principal. Léna est une jeune femme que l'on ressent comme perturbée, qui a perdu son mari et son fils. Elle se montre critique, tourmentée, mais désespéramment froide et imperméable. Léna baigne tout au long de l'album dans une morosité presque nonchalante ou fataliste, et se libère dans les dernières planches avec un final plein d'espoir, ô combien cliché et déjà-vu, mêlant le happy end et l'énigmatique.


Un rythme et une structuration insuffisantes pour placer haut le suspens et l'envie de lecture, peu ou pas d'enjeux, ce nouvel album de Juillard et Christin, eux qui s'étaient illustrés par leur sensibilité avec le Cahier bleu, déçoit par sa morosité.