Batman - Filmographie de 1943 à 2008

/ Dossier - écrit par riffhifi, le 11/08/2008

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Pour quelques adaptations sérieuses, Batman a traversé beaucoup de gaudrioles cinématographiques et télévisuelles, revendiquées ou non. A l'heure où il s'apprête à affronter dans les salles obscures un Joker bien ravagé, revenons sur 65 ans de filmographie.

Créé en 1939, Batman est porté à l'écran dès 1943 en version live, ce qui n'est pas loin d'être un record pour un héros de bande dessinée (Captain America le coiffe au poteau : créé en 1941, filmé en 1944). Depuis, la carrière filmique du personnage connaît des hauts et des bas, en terme de qualité et de popularité. On le souhaiterait violent et sérieux, mais le bonhomme n'est finalement rien d'autre qu'un gus en collant, souvent affublé d'un comparse multicolore qui fait des blagues. Historique d'une filmographie hautement hétéroclite.

Années 40 : Batman est ridicule

En 1943, le souci des producteurs de Columbia est de sensibiliser le public à l'effort de guerre. De fait, le premier serial de quinze épisodes consacré à Batman et Robin (simplement intitulé Batman) oppose les deux héros à un adversaire japonais ultra-fourbe, qui ambitionne de transformer la population des Etats-Unis en zombies. Quelqu'un devrait lui dire que la télévision est sur le point d'apparaître pour concrétiser son plan... La nature même du serial (des épisodes de 20 minutes projetés en avant-programme dans les salles de cinéma) exclut le développement d'histoires trop complexes, chaque segment ayant l'obligation de comporter une scène d'action et un final plein de suspense destiné à inciter le spectateur à revenir voir la suite (le fameux « cliffhanger » dont les séries télé d'aujourd'hui ont repris le principe). Le scénario est primaire et répétitif, les Version Lewis Wilson
Version Lewis Wilson
costumes à mourir de rire, les séquences d'action grotesques et les effets spéciaux ahurissants ; quant à l'idée de se taper d'une traite les quatre heures qui composent l'ensemble, elle pourrait bien vous être fatale (croyez-en quelqu'un qui en a fait l'expérience il y a quelques années au centre Pompidou). Ce type de production conserve pourtant un intérêt historique indéniable, et on peut déplorer qu'il n'en existe aucune édition DVD française.

On ne s'étendra pas sur le deuxième serial, daté de 1949 et appelé Batman and Robin, qui fonctionne de la même manière malgré un nouveau casting et un scénario débarrassé de son contexte guerrier : cette fois, le méchant est un mystérieux savant surnommé le Wizard. Les acteurs changent, les costumes restent, tout le monde a l'air bien gland et Batman semble avoir plus de bedaine lorsqu'il est en héros que sous son identité de Bruce Wayne. On notera dans cette deuxième histoire la présence de la journaliste Vicki Vale, qui deviendra récurrente dans la bande dessinée par la suite, et apparaîtra dans le film de 1989 sous les traits de Kim Basinger.

Années 60 : Batman est ridicule, mais il l'assume

Après une quinzaine d'années d'absence au cours desquelles Superman accapare l'attention des spectateurs, Batman fait son grand retour en 1966 dans une série télé mémorable produite par William Dozier. Conçue comme une parodie des vieux serials mâtinée de culture pop et d'esprit camp (qui est peut être résumé ainsi : tout ce qui est suffisamment mauvais devient génial à un certain point), la série est à la fois une formidable "bande dessinée vivante" pour les enfants (images colorées, super-vilains hystériques, bagarres ponctuées d'onomatopées surgissant de la mêlée) et une parodie hilarante pour les adultes (leçons de morale exagérément pontifiantes, gadgets insensés, pièges invraisemblables). Les épisodes sont présentés par paire et obéissent à une logique immuable : dans le premier, un crime est commis par un vilain pittoresque et ricanant (généralement issu de la bande dessinée : le Joker, Mr Freeze...), et le Dynamique Duo est appelé à la rescousse par le commissaire Gordon et le chef de la police O'Hara, qui semblent avoir décrété qu'aucune affaire criminelle ne relevait de leur compétence. Batman et Robin vont mener l'enquête à coups de déductions surréalistes (notamment dans les épisodes où ils sont opposés au Riddler), et l'un des deux (voire les deux) va Adam West
Version Adam West
(vont) tomber dans un piège mortel à la fin. Le deuxième épisode s'ouvrira par un sauvetage, et se terminera par une grosse baston au terme de laquelle le vilain sera mis en taule. La série est terriblement divertissante, mais la formule trop rigide lasse les spectateurs dès la deuxième saison, malgré la diversification des ennemis et l'apparition d'une pléiade de demi-stars (Eli Wallach, Art Cagney, John Astin... on croise même Bruce Lee à deux reprises, lors d'épisodes crossover avec le Frelon Vert). La troisième saison sonnera le glas de ce Batman pop : arrivée de Batgirl et de sa moto violette, épisodes en une seule partie... Dommage que cette dernière année soit inédite en France, et surtout que l'édition DVD de la série soit compromise par une bataille juridique entre 20th Century Fox et Warner Bros.

Les fans se consoleront avec le film sorti la même année que la première saison, édité en DVD chez 20th Century Fox : réunissant les quatre adversaires principaux du duo (Catwoman, le Joker, le Pingouin et le Riddler), il joue à fond la carte de l'humour ostensible (« vous avez vendu un sous-marin pré-atomique à un Monsieur P.N. Gouin qui ne vous laisse même pas son adresse ?! - Enfin Batman, vous avez l'air tout à coup si amer ; aurais-je gaffé ? ») et paraît finalement un peu plus indigeste qu'un double épisode de la série. Mais ne faites pas la fine bouche, le film reste un agréable moment et les bonus sont instructifs.

Années 90 : Batman n'est plus ridicule, mais il le redevient

Batman se fait oublier au cours des deux décennies suivantes, mais lorsque la saga cinématographique de Superman commence à faiblir à la fin des années 80, Warner Bros. envisage d'offrir une nouvelle jeunesse à l'homme chauve-souris. Le choix de Tim Burton comme réalisateur et de Michael Keaton comme vedette n'a rien d'évident en 1989 : le duo n'a livré que Beetlejuice, fantaisie déglinguée aux effets spéciaux artisanaux. Les deux hommes sont marqués du sceau de la comédie à ce stade, et surprennent tout le monde en faisant de Batman un bijou de noirceur lyrique, générant un succès colossal en salles. Le film doit également Michael Keaton
Version Michael Keaton
beaucoup à Jack Nicholson, impérial dans le rôle du Joker, et à la musique de Danny Elfman (alors que les producteurs croyaient surtout à l'impact des chansons de Prince incorporées à la bande originale). Quant à la direction artistique sombre et baroque, elle vaut à son auteur Anton Furst de recevoir un Oscar...

Trois ans plus tard, Burton et Keaton se retrouvent pour Batman, le défi. Le réalisateur est passé par la case Edward aux mains d'argent, et décide de plier cette fois le héros de Gotham à son propre imaginaire, peuplé de parias et de décors tarabiscotés perdus dans la neige. Un Batman autiste et dépressif se retrouve confronté à un Pingouin orphelin (Danny DeVito) qui lui renvoie sa propre solitude, et à une Catwoman en latex (Michelle Pfeiffer) qui lui inspire bien plus de sentiments qu'il ne souhaiterait. Le véritable méchant du film est le businessman Max Schreck (Christopher Walken), prêt à faire feu de tout bois pour s'enrichir. Le film est trop étrange pour les ligues de parents américaines, et Warner préfère écarter Tim Burton des épisodes suivants. En 1997, celui-ci confiera au magazine Première qu'il s'agissait sans doute d'une sage décision, car il aurait pu décider de laisser Bruce Wayne jouer au golf pendant toute la durée du troisième film.

Dès 1992, une série animée voit le jour dans le sillage des deux films de Tim Burton. Bénéficiant d'un travail créatif exceptionnel, elle dépasse de très loin le niveau que l'on attend habituellement d'une série pour enfants. Poussant régulièrement dans leurs derniers retranchements les limites que la censure impose à ce genre de
DR.
programme (pas de sang, pas de mort), les auteurs Bruce Timm et Eric Radomski développent un style expressionniste intemporel, inspiré en partie des dessins animés de Superman réalisés dans les années 40 par les frères Fleischer. Trois saisons sont produites avec une qualité égale, ainsi qu'un excellent long métrage relatant en flash-backs les débuts du personnage (Batman contre le fantôme masqué, 1993). Mais la deuxième moitié des années 90 ne sera pas aussi clémente avec l'homme aux oreilles pointues...

En 1995, c'est donc une nouvelle équipe qui est rassemblée pour le troisième film Batman forever : Elliot Goldenthal remplace Danny Elfman à la musique, Val Kilmer endosse le costume du personnage-titre... et Joel Schumacher prend les manettes de la réalisation. Balayant d'un geste toute notion de poésie et d'élégance, il fait de son film une grosse attraction colorée où les personnages n'ont pas d'autre raison d'être que de se castagner et de rigoler comme des bossus. Il massacre ainsi le personnage de Double-Face, confié au talentueux Tommy Lee Jones qui se voit forcé de surjouer comme un cochon, et sous-exploite celui du Riddler, qui est pourtant interprété par un Jim Carrey adéquat. Batman forever est surtout l'occasion d'introduire Robin (Chris O'Donnell), qui était "malheureusement" absent des deux films de Burton. La présence du jeune homme permet à Schumacher de développer la seule touche intéressante et personnelle de cette meringue : l'homosexualité des personnages. Batman et Robin ont une différence d'âge plus faible que dans les précédentes versions, le deuxième porte une boucle d'oreille et les deux arborent désormais des tétons sur leurs gros costumes en cuir. Le couple de méchants n'est pas en reste, puisque le Riddler est un fan de coiffures efféminées, et porte un costume moule-paquet qui lui permet de danser guillerettement en tripotant sa grosse canne...

Version George Clooney
Version George Clooney
En 1997, Schumacher assassine la série avec son deuxième opus : Batman & Robin, jouant la carte de la vanne à trois centimes et du scénario bricolé en vitesse à partir des trois précédents, fait un bide au box-office et ruine l'image de marque du personnage. George Clooney se promène dans le rôle avec l'air de s'en contrefoutre, Arnold Schwarzenegger cachetonne comme un fou en Mister Freeze, et Uma Thurman est bien incapable de sauver un rôle aussi pauvrement écrit que celui de Poison Ivy. Quant à Alicia Silverstone, son intervention en Batgirl (qui, comble de l'hérésie, n'est plus la fille du commissaire Gordon mais la nièce d'Alfred !) est le clou d'un spectacle comique qui reste pour beaucoup de gens LE nanar le plus prestigieux des années 90.

C'est également en 1997 que la série animée revient sur le petit écran, désormais plus axée sur le duo Batman / Robin et dotée d'une direction artistique et de scénarios moins exigeants. Sans être une déroute comparable à celle du Batman & Robin cinématographique, ces deux nouvelles saisons n'arrivent pas à la cheville de la série initiale.

Années 2000 : Batman n'est définitivement plus ridicule

Malgré le massacre de Schumacher, le personnage reste raisonnablement populaire au cours des années suivantes. Dès 1999, la série animée Batman beyond (appelée en France Batman 2000 ou Batman : La relève) présente un Gotham City futuriste où un Bruce Wayne nonagénaire forme un jeune successeur nommé Terry McGinnis.

La version animée de Batman perdure également dans la série Justice League de 2001 à 2006, et dans le long métrage Mystery of the Batwoman en 2003. On notera que depuis 1992, la voix du personnage est toujours assurée dans la version originale par Kevin Conroy. La seule version dans laquelle l'acteur ne sera pas
sollicité est la série animée The Batman (notez la subtilité dans le titre) qui fut lancée en 2004 et prit fin cette année.

En 2002, une curieuse série appelée Les anges de la nuit (Birds of Prey, les « oiseaux de proie ») relate les aventures d'un trio de femmes composé de la fille de Batman et Catwoman, de l'ex-Batgirl Barbara Gordon, et d'une jeune blonde aux pouvoirs psychiques. Un concept déroutant, qui intéressa peu de monde : la série fut annulée après 13 épisodes seulement.

Le véritable renouveau du personnage, comme chacun sait, fut Batman begins en 2005. Après être passé entre les mains de Darren Aronofsky alors qu'il s'agissait encore de l'adaptation du Batman : Year one de Frank Miller, le projet atterrit dans l'agenda de Christopher Nolan, un jeune réalisateur qui s'est fait remarquer avec Memento (2000) et Insomnia (2002). Reprenant l'histoire à zéro (ce qui n'avait jamais été fait, mine de rien), Batman begins montre la lente maturation de Bruce Wayne (Christian Bale) en héros masqué. Le film souffre de son pseudo-réalisme, et de son casting de seconds rôles trop prestigieux (Michael Caine ! Morgan Freeman ! Gary Oldman ! Rutger Hauer !), mais a le mérite de poser les bases d'une nouvelle saga. Inutile de dire que les deux antagonistes de ce premier opus ne sont que des apéritifs face au Joker que tout le monde attend, mais l'Epouvantail campé par Cillian Murphy tire honorablement son épingle du jeu.

Christian Bale
Version Christian Bale
En cet été 2008, l'événement est donc la sortie de Dark Knight, le premier film de Batman à ne pas faire figurer son nom dans le titre. La mort soudaine de Heath Ledger en début d'année entoure sa prestation en Joker de la même aura morbide qui entourait celle de Brandon Lee dans The Crow en 1994. Mais le film se concentrera également sur le personnage de Harvey Dent (Aaron Eckhart), destiné à devenir Double-Face. Juste avant la sortie, Warner Animation a sorti en DVD le long métrage Batman : Gotham Knight, constitué de plusieurs histoires courtes réalisées par des animateurs japonais. L'action se situe entre Batman begins et The Dark Knight, et présente notamment Killer Croc et Deadshot ; les graphismes sont intéressants mais au service de saynettes bien superficielles. Pas de distribution française prévue pour l'instant, l'import vous tend les bras si vous êtes tentés par l'objet...