Creepshow - Dossier George A. Romero

/ Dossier - écrit par Lestat, le 05/09/2004

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Dossier complet sur George A. Romero

Nous sommes à la fin des années 60, aux Etats-Unis. Le pays sort tout doucement de la Guerre Froide et entame une période dite "de Détente" qui ne se terminera réellement qu'à la fin des années 80. Cette longue période incertaine, où se mêlaient course à l'armement, crise des fusées, assassinats en tout genre et haine/peur du communisme est une véritable corne d'abondance pour le cinéma, contemporain ou non, qu'il soit de Science-Fiction, d'espionnage... ou d'horreur. Ce jeu de "je te tiens, tu me tiens" offre en effet au Septième art toute une pléiade d'instruments propices à trancher dans les fantasmes et les terreurs d'un public déjà bien ébranlé par le contexte ufologique, les apparitions d'OVNI étant répertoriées comme plutôt fréquentes à l'époque. En 1968 sort un film en noir et blanc qui exploitera tout ce climat d'indécision et de psychose. Aujourd'hui, le prétexte fait sourire : une sonde spatiale ramène des radiations qui une fois sur Terre ranime les morts. Pourtant à l'époque, cet argument qui était alors plus plausible que ridicule (course aux étoiles, OVNI, menaces diverses...) fonctionne à merveille. Ce n'est pas la moindre des forces de la Nuit des Morts Vivants, qui en outre de révolutionner tout un genre cinématographique, peut se vanter d'avoir fait son petit effet dans le cinéma en général. Mais remontons en arrière, deux ans plus tôt, en 1966.

Ou plutôt non, partons au préalable encore plus loin dans le temps, en 62 pour être précis. En 1962 sort un film, l'unique film d'un réalisateur inconnu qui ne tardera pas à le rester. Il s'appelle Harold "Herk" Harvey et ce n'est que justice de rappeler son nom avant d'évoquer celui qui fait sujet à cet article. D'Herk Harvey, on ne sait strictement rien, si ce n'est qu'il est mort à 70 ans d'un cancer du pancréas, non sans avoir imprimé un petit bout de pellicule d'1 h 20 : Carnival Of Souls. Ce n'est que trop tard que l'on s'est rendu compte que Carnival of Souls, film sombre, oppressant et plein de noirceur, de par ses thèmes et sa réalisation, était le brouillon de tout un pan de cinéma qui allait lui succéder. Quatre ans plus tard, tout comme bien d'autres réalisateur, George Romero se souviendra de ce film pour faire le sien...

La Nuit des Morts VivantsNé dans le Bronx, George Andrews Romero quitte rapidement New York pour Pittsburgh, en Pennsylvanie. Il ne quittera plus les contrées verdoyantes du Pays Amish, au point d'y installer la plupart de ses films. Après des études aux Beaux-Arts, où il a tôt fait de s'y casser les dents, et dans le cinéma, nous le retrouvons finalement à la tête d'une modeste compagnie publicitaire, qu'il fonde avec quelques amis. Une activité qu'il mènera en binôme de sa carrière cinématographique jusqu'en 1973. En 1966, après quelques courts en 8 puis 16 millimètres, notre barbu décide de passer à l'étape supérieure et entreprend de réaliser son premier véritable film, avec son matériel et son équipe. Ce petit long métrage, tourné en 35 millimètres avec une peau de chagrin de 114 000 Dollars deviendra un classique de l'épouvante, mais pour l'instant, George et sa bande sont loin de s'en douter. Intitulé Night of the Flesh Eaters (La Nuit des Mangeurs de chairs), s'inspirant de Carnival of Souls mais aussi du Je suis une Légende, de Richard Mathéson, Night of the Flesh Eaters, transformé plus tard en Night of the Living Dead, ne décrit ni plus ni moins que l'assaut d'une maison par une horde de zombies. Tourné quasi en huis clos dans des pièces plutôt étroites, le film est un cauchemar technique pour le cinéaste débutant et le budget qui fond comme neige au soleil l'oblige à revoir sa copie et opter pour le Noir et Blanc. Mais comme pour la nitroglycérine, l'alchimie découlera d'un imprévu. Ce Noir et Blanc qui aurait pu porter préjudice devient une grande partie de la force de ce qui sera désormais La Nuit des Morts Vivants.

Claustrophobique à souhait, souvent sur un ton à la limite du documentaire, la Nuit des Morts Vivants révolutionne tout un genre et devient le film indépendant le plus rentable de l'Histoire. Non pas que les Zombies étaient inconnus du grand public, durant les années 30 les spectateurs pouvaient déjà frissonner devant un Bela Lugosi qui s'essayait au Vaudou dans le superbe White Zombie, en 1932. Mais depuis quelques grands classiques (White Zombie, donc, mais aussi Vaudou de Jacques Tourneur pour ne citer qu'eux), le mythe a fortement tendance à prendre l'eau. Après Romero, le zombie-movie va connaître un coup de fouet : la Nuit des Morts Vivants crée voir recrée toute une imagerie, écrase le champignon de la flippe et surtout va lui apporter une tournure inédite. Sous Romero, le mort-vivant devient cannibale, déambulant hagard, la démarche hésitante dans le seul but de croquer tout ce qui est vivant... ou qui n'est pas non-mort. Sous sa caméra qui tourneboule, des scènes qui deviendront clichés : des bras qui passent à travers une fenêtre, des balles dans la tête des morts, un lieu isolé et assiégé... Sans être une totale réussite (faux raccords, deux-trois soucis d'éclairage, des effets spéciaux parfois rudimentaires), La Nuit des Morts Vivants fait l'effet d'un coup de pied... qui vise là où ça fait mal ! Dans une Amérique raciste, toute puissante et bien pensante, La Nuit des Morts Vivant dissémine critique du pater familias, de l'autorité incompétente, des médias et comble de tout, le héros principal, seul véritable personnage semblant avoir les pieds sur terre et la tête sur les épaules, est un Noir. Rappelons que nous sommes à la fin des années 60, la Blacksploitation n'est pas encore passée par là et pour le cinéma traditionnel, donner un tel rôle à une personne de couleur est tout bonnement impensable. Si Romero jure actuellement ses grands dieux que Duane Jones n'a été choisi que et uniquement pour ses talents d'acteur (ce qui par ailleurs ne fait aucun doute, c'est de loin le meilleur du casting), la symbolique a fini par le rattraper. D'autant plus que presque ironiquement, la sortie du film coïncide avec l'assassinat de Martin Luther King. Le dénouement de la Nuit des Morts Vivants apparaît soudain éclairé d'une autre lumière...

Nourri à la Science-Fiction et au fantastique, Romero construit son film tels les vieux SF des années 50, dont on peut retrouver certains bruitages type. Explicite, pessimiste et novateur, La Nuit des Morts Vivants est un pavé dans la mare. Les morts se réveillent désormais en pagaille et la carrière du réalisateur est lancée. Il lui donnera bien entendu une suite, mais ça ne sera qu'en 78. Ne brûlons pas les étapes. Car l'histoire de George Romero, outre sa célèbre filmographie, est également celle de l'amitié, des rencontres légendaires. Et des équipes de choc, portant les noms de Tom Savini, Dario Argento ou Stephen King.


Après la Nuit des Morts Vivants, Romero, toujours dans la pub, enchaîne en 1972 sur The Crazies retitré chez nous d'un bien nanar La Nuit des Fous Vivants, petit film nerveux sur une ville en proie à la folie collective. Un sujet étrangement familier pour un long métrage qui se donne de vagues airs de prequel ou de chaînon manquant à la Trilogie des Morts Vivants. Relativement inaperçu lors de sa sortie, au même titre que Season of the Witch, film plutôt lent et pessimiste, The Crazies passe pour plutôt honnête. Mais c'est véritablement en 1976 qu'apparaît son autre film le plus significatif. Ce sera Martin, réflexion assez noire, violente et ambiguë sur le vampirisme. Martin en outre d'être l'un des meilleurs Romero, est également un de ses films charnières, car le premier où il travaillera avec Tom Savini. Tom Savini ? C'est bien simple, Savini dans le milieu du maquillage tendance horreur/gore est désormais une véritable star et son nom reste rattaché à une poignée de grands films du genre. C'est ainsi qu'on le retrouve aux génériques dans le désordre de Vendredi 13, Maniac, Trauma, Invasion USA, Massacre à la Tronçonneuse 2 ou récemment Ted Bundy. Carpenter, Lustig, Cunningham, Hooper... un CV impressionnant pour un savoir-faire qui ne l'est pas moins, qui a fini par faire du bonhomme une référence incontournable du milieu. Ecole de maquillage, bouquins, productions, réalisations, acteur sur la plupart des films où il participe, voire chez les copains (l'inénarrable Sex Machine, dans Une Nuit en Enfer, c'était lui), Savini touche à tout jusqu'à la consécration ultime, où il apparaîtra en Guest-Star d'un épisode des Simpsons (!) le temps d'une séquence particulièrement baveuse. Entre Romero et Savini se tisse une solide amitié et cet homme aux airs de biker assurera les maquillages et effets annexes d'une bonne partie de la filmographie du réalisateur. Sur le tapis, une nouvelle paire d'as se pose, au point que l'un n'aille rarement sans l'autre.

Zombie - Dawn of the Dead1978 marque un nouveau tournant pour Romero, qui se fait embaucher avec son pote Savini par un producteur pour le moins inattendu. Il est Italien, il parle avec les mains, il tue des femmes avec un plaisir malin... vous l'aurez reconnu, quasiment dix ans après la Nuit des Morts Vivants, Dario Argento qui passait par là et offrait à l'Américain de passer à la suite. La rencontre de Romero et Argento tient un peu du conte de fée. Gros fan de la Nuit des Morts Vivants, Argento déboulera sans crier gare avec sous le bras, le projet Zombie-Dawn of the Dead. L'arrangement est simple : Romero bénéficie d'un director's cut pour les Etats Unis (appelé Dawn of the Dead), Argento se chargeant d'un nouveau montage pour l'Europe, baptisé Zombie car plus explicite. Pour la petite histoire, il existe une troisième version, allemande celle-ci, sorte de mélange entre les deux précédentes. Nouveau volet, nouveau choc. Dans une Pennsylvanie quasi-apocalyptique en proie au chaos, les morts reviennent une fois de plus à la vie. Planqué (piégé ?) dans un centre commercial, un échantillon humain tentera de survivre, tout en se rendant doucement compte que l'espèce humaine est en train de tirer sa révérence...

Romero motivé par son nouveau mentor met les bouchées doubles. Oublié le film vite fait bien fait et la portée réac plus ou moins volontaire : Zombie-Dawn of the Dead prend son temps, s'octroie la couleur et se lance dans un virulent pamphlet contre l'animosité et la société de consommation. Dans ce grand magasin, les Morts Vivants, plus grotesques qu'effrayants, déambulent sans fin dans les rayons, se piétinent dans les escaliers, s'agglutinent aux vitrines, attirés ici par une musique guillerette, là par un mannequin, une promotion, portés qu'ils sont par des réflexes de leurs anciennes vies. "Ils sont nous-mêmes", fera dire Romero à l'un de ses personnages, pour enfoncer le clou. Pendant ce temps, notre quatuor de héros fait son marché de choses qu'ils jugent indispensables : vêtements de luxes, bijou, argent, armes... cela tout en se nourrissant de conserves et de friandises dans un premier temps. Des valeurs bassement matérialistes devenues dérisoires dans un monde sur le point de basculer. Les médias sont dépassés, l'autorité n'existe plus, la religion défaille. Une atmosphère d'anarchie où les Hommes dézinguent du zombie en rigolant, comme au tir au pigeon.
La Nuit des Morts Vivants montrait une civilisation devenue archaïque, pour le coup littéralement dévorée par une nouvelle. Ici les Zombies représentant au contraire certains travers de l'humanité, la chute de la société sera à nouveau véhiculée par l'incursion d'une bande de motards-pillards. Pour eux, le monde tel qu'ils le connaissaient est révolu, il n'y a plus de ressources, que des butins. Dans le grand magasin, ils s'amusent, se singent avec ce qui n'est plus que des vestiges. L'un d'eux cassera un de ces téléviseurs que les héros conservent jalousement, symbolisant une ère qui se termine.

Métaphore contre la barbarie, l'avilissement, le racisme (la scène d'introduction, où un groupe d'intervention envahit un squat est explicite), Zombie-Dawn of the Dead n'en oublie pas d'être un pur divertissement, un western urbain aux touches d'humour qui font mouche. L'influence d'Argento est incontestable : les couleurs pètent, on joue les contrastes, la musique des Goblins, recrutés pour l'occasion, inonde de ses mélopées une poignée de séquences devenues immortelles. Par rapport à la Nuit des Morts Vivants, les Zombies n'ont plus la même mythologie : ils sont ici plus lents, plus stupides, davantage chassés que chasseur. Une évolution se forme et d'effrayants ils deviennent pathétiques. Tom Savini, qui par ailleurs s'octroie le rôle du chef des motards met au point un maquillage assez rudimentaire pour ses créatures, préférant se focaliser sur les effets gores : les morts vivants sont tout bonnement des bonshommes peints en bleu, conférant un aspect burlesque étrange qui correspond bien à l'ambiance du film : une oeuvre pafois potache à plusieurs degrés de lecture.

Peu à peu, de film en film, Romero affirme un style. Une réalisation sèche, voire rugueuse, au rythme lent, où l'on retrouve certaines touches qui deviendront indissociables du réalisateur, comme les successions de plans fixes. Style particulièrement marqué sur sa Trilogy Of Dead, plus effacé sur ses autres réalisations, parfois bien plus fluides. Après Zombie, il n'a décidément plus rien à prouver de son talent : Zombie-Dawn of the Dead est un film culte qui eut une influence monstrueuse sur le cinéma d'horreur, en suscitant une tripotée d'avatars et de fausses suites. Bien décidé à boucler sa trilogie, Romero va embrayer en 85 sur le Jour des Morts Vivants, après la Nuit et l'Aube.

Huis clos claustrophobique pour le premier, foire du trône teintée de revendications sociales pour le deuxième, qu'en sera-t-il du troisième ? Le Jour des Morts Vivants prend un peu à contre-pied le spectateur et ce volet est souvent le plus mal aimé. Encore plus posé que ses prédécesseurs, il représente pourtant à ce jour l'aboutissement de l'oeuvre majeure du réalisateur. La musique obsède, l'univers fascine. Tom Savini, toujours au rayon ketchup, est plus déchaîné que jamais et va beaucoup plus loin dans son art, concoctant des Zombies au faciès ridé et jaunâtre du plus bel effet. Ce volet, par un final dantesque, est également le plus gore des trois, Savini n'hésitant pas à utiliser de vrais boyaux -de porcs- pour ses diverses éventrations et déchiquetassions. Le film est une critique de l'armée et de la monstruosité supposée. Plus subtil qu'a l'accoutumé, Romero inclut le personnage de Bub, mort-vivant "apprivoisé" ("Il réagit bien aux tests, alors je l'ai laissé en vie", dira le savant qui s'en charge, avec toute la symbolique qu'induit cette réflexion). Bub s'inscrit dans la lignée des vieux monstres d'Universal, de Frankenstein particulièrement, tragique, entouré d'un monde où il n'a pas sa place. Pessimiste, violent, dérangeant parfois, se fendant d'humour noir, Le Jour des Morts Vivants montre une Terre envahie de zombies, où les Hommes sont contraints de se cloîtrer dans des bunkers souterrains. Romero est présent sur tous les fronts, égratignant l'autorité militaire et les hommes de sciences, au point qu'aucune des personnes hiérarchiquement hautes ne semble apte à prendre une décision correcte.

La Trilogie des Morts Vivants (Trilogy of Dead) est une oeuvre majeure dans la filmographie de Romero et une véritable pierre blanche dans le cinéma. Par cette trilogie, Romero a popularisé toute une imagerie, toute une série de clichés qui deviendront désormais complètement représentatifs du mythe du Zombie. Trois films à la portée revendicatrice qui en font toujours aujourd'hui des références pour qui veut montrer que l'horreur ne se limite pas à un paquet de tripailles, mais peut se fendre de messages engagés et de symboliques que l'on trouve parfois dans d'autres registres.
En 1990, embourbé dans des problèmes de droits, Romero, qui avait commis une erreur de jeunesse sur La Nuit des Morts Vivants faisant que de part son changement de titre non déclaré, l'oeuvre ne lui a jamais réellement appartenu, tombant ainsi dans le domaine public, décide de combler cette lacune. Pour se faire, la parade toute trouvée est un remake pour se réapproprier son bébé. Contre toute attente, il confiera la réalisation à... Tom Savini qui assure également les effets, comme de bien entendu. Cinéaste improvisé, Tom Savini s'en sort avec tous les honneurs, reprenant le style de Romero tout en incluant sa patte. La peur s'éclipse, un peu, remplacée par le gore. Barbara, véritable plat de nouilles dans l'original, change de look et de caractère, devenant une battante, n'hésitant pas à prendre les armes. Et surtout, cette nouvelle Nuit des Morts Vivants sur ses thématiques s'inscrit enfin de plein pied avec ses successeurs.


Suite à Zombie-Dawn of the Dead, Romero reste en très bons termes avec Argento, qui se mueront en amitié et les deux hommes signeront ensemble Deux Yeux maléfiques en 1990, film de deux sketchs. Argento, Romero, Savini mais aussi Adrienne Barbeau au casting (avec Jamie Lee Curtis, LA Scream-Queen des années 80 et alors ex-épouse de John Carpenter) : un bon petit pied pour le fan du genre qui retrouve rassemblée sous le nom d'Edgar Poe une belle brochette d'incontournables, pour un film plutôt agréable mais qui ne casserait pas neuf queues à un chat noir. Mais ce qu'on pourrait appeler le second souffle de Romero viendra incontestablement de sa rencontre avec un autre maître de l'horreur, mais plus littéraire : Stephen King. King qui se fera adapter deux fois par Romero avec le très bon La Part des Ténèbres, sorti en 93, mais avant tout l'immense Creepshow, film à sketchs sorti dix ans plus tôt, en 82. Creepshow est le trip ultime du film de fans, une bande jubilatoire, folle et emmenée par trois têtes de lard qui n'ont jamais caché leur passion enfantine de l'horreur : Romero aux commandes, Savini aux make-up (et un p'tit rôle d'éboueur à la fin), Stephen King au scénario, au roman original mais aussi devant la caméra (!!) pour une adaptation de ses écrits, eux-mêmes s'inspirant des BD des Contes de la Crypte. Le résultat est à la hauteur de l'équipe : une bande grand-guignolesque à l'âme très comic-book, loufoque et ne se prenant pas du tout au sérieux. Pendant que King, acteur exécrable d'un rôle de fermier crétin, cabotine comme c'est pas permis, Romero de son côté entremêle cases de BD, univers colorés, éclairages spéciaux, écrans splittés... les dessins deviennent des images, des bulles apparaissent, un dessin animé s'incruste dans l'introduction. Esthétiquement, Creepshow est une merveille, une réelle bande dessinée sur grand écran d'où découle une alchimie parfaite entre les deux univers. Un hommage amusant et émouvant, jamais effrayant, toujours gentiment cradingue. Trois grands gamins se lâchent pour un monument du registre comique/horreur et s'amusent visiblement comme des petits fous, King et son jeu catastrophique -donc hilarant- en tête. Savini, les deux pieds dans son élément, lâche un bestiaire irrésistible mêlant Zombies dégoulinants et bestiole de carnaval pleine de dents. A mon sens, le meilleur film fait par Romero après Zombie-Dawn of the Dead, frais, respectueux et bourré de charme. Sans parler qu'on y retrouve un joli petit parterre de stars : Ed Harris avec des cheveux, Adrienne Barbeau (qui campe une impayable mégère vulgaire et alcoolique), Ted Danson ou encore Leslie Nielsen. Du culte !

BruiserLa Part des Ténèbres, où l'on retrouve dans quelque scènes un Romero pas vraiment affranchi d'Argento, est une adaptation inquiétante et honnête du roman éponyme de King, dont les quelques temps morts sont compensés par un final à se damner. Pourtant, la Part des Ténèbres marquera une sorte de période de repli pour Romero qui ne sortira de sa retraite qu'en 2000 pour Bruiser, film étrange où l'on retrouve un peu du Masque de la Mort Rouge, de Poe. Moins mauvais qu'on veut bien le dire, car d'une réflexion assez forte sur la mode et la perte d'identité, mais assurément pas son meilleur. Techniquement, le film est sans doute le Romero ressemblant le moins à un film de Romero, parfois vulgaire, à la réalisation peu inventive et gonflé d'effets tape-à-l'oeil, et non-dépourvu de mannequins topless. A la vue du sujet, l'hésitation est de taille : et si Romero avait volontairement plombé son film de toutes ces fanfreluches, pour mieux faire passer un message obscur ? Nous ne le saurons assurément jamais. S'étant fait démolir par les critiques qui la veille le bombardait en génie, on comprendra que Romero se fasse depuis plus rare. On le sait actuellement peaufiner divers projets, dont la moindre des Arlésiennes est sans aucun doute le quatrième volet de sa Trilogie, attendu (fantasmé ?) par toute une arrière garde de fans depuis des temps immémoriaux. Aujourd'hui, cela pourrait bien se concrétiser : il s'appellera vraisemblablement Land of the Dead. Il va retrouver King également, pour adapter La Petite Fille qui aimait Tom Gordon, roman plutôt intimiste de l'écrivain, assez lointain de l'univers du réalisateur. Mais le dossier qui lui tiendrait le plus à coeur serait le curieux Diamond Dead, comédie musicale avec sur l'affiche messieurs Marilyn Manson, Ozzy Osbourne et David Bowie. Le sujet ? Des Zombies, évidement...

Des films cultes, des amitiés prestigieuses, un nom qui restera à jamais gravé dans l'histoire de l'horreur... George Romero, petit gars de Pittsburgh, peut se vanter d'être entré dans la légende de tout un genre. Sans lui, le Zombie-Movie ne serait sans doute pas le même et il prouva par toute son oeuvre qu'un film qu'il soit d'épouvante, gore, d'horreur ou tout simplement fantastique peut faire preuve d'intelligence et/ou de double lecture. Si aujourd'hui le barbu de Pennsylvanie a perdu un peu de son aura, enchaînant fin de carrière discutable, promesses en pagaille et rendez-vous manqués (son éviction de Resident Evil est le moindre des exemples), il forme toujours avec quelques contemporains et amis une sorte de symbole : celui des grandes années de l'horreur, celui de toute une époque où les Morts revenaient à la vie, où des vampires saignaient leurs victimes au rasoir, où des singes devenaient fous, où des zombies réclamaient le gâteau qu'ils n'ont jamais eu de leur vivant... Qu'importe que Romero passe pour avoir fait son temps : au moins, sa carrière parle pour lui...

Knightriders

Filmographie de George Romero

Land of the Dead (en projet)
Diamond dead (en projet)
Bruiser (2000)
La Part des ténèbres (1993)
Deux Yeux maléfiques (1990), co-réalisé avec Dario Argento
Incidents de parcours (Monkey Shines) (1988)
Le Jour des morts-vivants (Day of the Dead) (1986)
Creepshow (1982)
Knightriders (1981)
Zombie (Zombie / Dawn of the Dead) (1978)
Martin (1976)
Season of the Witch
La Nuit des fous vivants (The Crazies) (1973)
There's Always Vanilla (1971)
La Nuit des morts vivants (The Night of the living dead) (1968)