8/10Jeremiah Johnson

/ Critique - écrit par iscarioth, le 31/08/2006
Notre verdict : 8/10 - Le retour à la terre déchu (Fiche technique)

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Le retour à la terre déchu

Août 1969 : le mouvement hippie est à son apogée. Woodstock marque un point culminant, mais amorce aussi l'inévitable débandade. Courant des années soixante-dix, le mouvement hippie s'essouffle, ses idées, sa philosophie de vie se retrouvent contestées. Fidèle reflet du temps, le cinéma a illustré cette évolution. En 1969, Easy rider faisait figure de film symbole du mouvement hippie. Trois ans plus tard, en 1972, trois films sortent en salle, enterrant définitivement l'utopie hippie, en s'en prenant notamment au mythe du retour à la nature : Deliverance, Last house on the left et Jeremiah Johnson.

Le paradis sur terre n'existe pas


Jeremiah Johnson
est un film de Sydney Pollack, qui fait figure de douce révolution naturaliste au pays du western. Notre héros, Jeremiah, incarné par un Robert Redford plein de charme, dans la force de l'âge, est un aventurier. Il part dans les montagnes, apprend sur le tas le dur métier de trappeur, avec en tête l'envie de fuir les hommes et la civilisation. Mais notre Jeremiah est un humaniste, il ne peut s'empêcher de s'enticher des personnes qu'il croise sur son chemin. L'intégralité du film raconte les aventures du jeune homme, sur environ cent minutes. Infortunes, survie, rapports avec les indiens... Les péripéties s'enchaînent comme dans un roman de grande aventure. Malgré un coté contemplatif, une affection toute particulière portée à la vie sauvage, Jeremiah Johnson nous démontre à quel point le paradis sur terre est un leurre. Même loin des hommes, la vie est dramatique, les drames frappent et la mort guette. Après Little big man, le cinéma hollywoodien, avec Jeremiah Johnson, continue d'avancer sur le chemin de la réconciliation avec son histoire nationale. Les indiens ne sont pas caricaturés. On ne les représente pas comme des sauvages sanguinaires mais comme des peuples dont il faut respecter l'intégrité et les croyances.

Une réalisation à deux vitesses

La structure du film est très marquée. Jeremiah rencontre sur son passage deux compagnons, qu'il perd de vue avant de fonder un foyer. Son début de vie familiale massacré, Jeremiah retourne à sa solitude pour finalement retrouver sur son chemin l'une puis l'autre de ses deux premières connaissances. Jeremiah Johnson est un film très contemplatif, qui immerge totalement le spectateur dans une Amérique sauvage, encore vierge de toute civilisation. Le film véhicule des sentiments positifs sur le compagnonnage et sur la vie de manière générale, malgré certaines duretés dramatiques. La réalisation de Sydney Pollack est assez inégale. Jeremiah Johnson est assez troublant pour ses gros plans et ses vues panoramiques. Par contre, le film peine complètement à restituer de belles scènes d'action, malgré d'habiles contre-plongées. On se souviendra d'une scène de combat entre Jeremiah et une meute de loup, très brouillonne, trop traficotée pour être crédible.

Une bande son qui subit le poids des années


Le plus dérangeant reste sans doute la narration et la bande son du film. Jeremiah Johnson est çà et là commenté par une voix mi-poétique, mi-chantante, accentuant une impression de fleur bleue et niaise. Les adaptateurs pour la VF ont eu l'intolérable idée de traduire la balade country chantant la vie de Jeremiah, réinterprétation qui plonge le film dans quelques moments de ridicule très malvenus. La musique de Tim McIntire et de John Rubinstein pour le film sonne comme étant terriblement guimauve. Collez à ces moments de musique particulièrement lancinants un barbu qui coupe du bois avec son jeune fils et il vous viendra inévitablement en tête l'image peu sérieuse et flatteuse d'un Charles Ingalls enseignant à son fils Albert. Parmi les références qui nous viennent à ce niveau, on pense aussi au très enjoué Tom Sawyer.

Malgré une bande son qui a très mal vieilli, Jeremiah Johnson demeure un très bon film d'aventure, doux-amer, pas véritablement agressif. Un sommet dans la carrière de Pollack, qui s'est depuis fourvoyé avec d'horribles navets comme le très peu comique Tootsie ou le dégoulinant Out of Africa.