8/10Mongol

/ Critique - écrit par Lestat, le 20/04/2008
Notre verdict : 8/10 - La conquête de l'Est (Fiche technique)

Tags : mongol khan histoire mongols mongolie chine empire

La jeunesse de Gengis Khan, par un réalisateur Russe... Dépaysant et réussi.

Pour nous Occidentaux, Gengis Khan n'est qu'un nom exotique parmi d'autres, que l'on rencontre parfois au détour d'un cours d'Histoire. A l'instar d'un Attila se construit alors l'image d'une sorte de barbare sanguinaire, rougissant les steppes mongoles au rythme des galops d'innombrables cavaliers tous aussi farouches que lui. A mesure que l'on se rapproche du territoire d'origine, le mythe se précise et s'inverse : pour les Mongols, Gengis Khan est un conquérant, un père fondateur et probablement un combattant non dénué d'honneur. Comme toujours, la part de vérité se trouve sans doute entre les deux visions, encore que les faits parlent d'eux mêmes : Gengis Khan a unifié sous sa bannière un territoire immense. Et la loi de la guerre n'est pas tendre...

Personnage aussi fascinant que ses actes sont flous, Gengis Khan a logiquement inspiré le cinéma, pour des résultats peu inoubliables. En cela, Mongol a le mérite de briser la malédiction, avec un gage de qualité non-négligeable : un asiatique dans le rôle-titre. Un Japonais certes, excellent au demeurant, mais c'est constater le chemin parcouru que d'observer la liste de ceux à qui il succède : John Wayne (!), Omar Sharif, Jack Palance (en vérité, le fils de Gengis Khan, dans Les Mongols) et, roulements de tambours, Steven Seagal, dans le cadre d'un projet jamais (pas encore ?) abouti. Loin du fantasme d'un empereur mongol cassant des bras chinois, le film de Sergei Bodrov, Russe de pedigree, est une biographie à la réalisation élégante, dont l'aspect indéniablement romancé se voit compensé par un souffle dépaysant des plus agréable.

Là où le titre est bien choisi et le film mal (?) vendu est que Mongol n'est pas tant un film sur Gengis Khan qu'un film sur l'homme derrière Gengis Khan. L’homme né Temoudjin donc, l'enfant, l'esclave, le mari aimant et le père blagueur qui deviendra le souverain de tout un peuple. Un parti pris qui se défend, donnant au film une patine pour le moins étrange : traiter de l'un des plus grands guerriers de l'histoire de l'humanité sous l'angle intimiste, il fallait l'oser. Le réalisateur a le sens du spectacle et pourtant, si il n'y a pas une bataille qui ne renvoie pas 300 aux orties, le propos est ailleurs. Les combats, rares mais épiques et brutaux, s'effacent alors au profit d'amitiés viriles, de liens du sang, de dieux troubles et de roucoulades naïves, quand Sergei Bodrov ne s'attarde pas sur une Mongolie à la beauté sauvage, rythmée par quelques chants gutturaux. Pensé comme une sorte de conte initiatique décousu, Mongol hérite en sus d'une construction en ellipses assez déconcertante. Les années filent, d'un plan à l'autre, Temoudjin passe d'enfant à adulte, de rebelle à roi... Un aspect déstructuré qui achève de faire glisser le film vers la mythologie. Ironie du sort, à force de présenter son histoire vraie comme une fiction, Mongol finit par évoquer Conan le Barbare, à un point tel qu'il vient en tête que les écrits d'Howard se prêteraient parfaitement à une délocalisation dans les steppes.

Inachevé au point d'être frustrant, Mongol se veut le premier volet d'une trilogie. En l'état, le film est une tranche de vie aux images superbes, qui tout en laissant quelques points de suspension, s'ouvre et se ferme bien sur Temoudjin, de sa jeunesse au début de son apogée. Si suites il y a, pronostiquons dès à présent qu'elles seront d'une tonalité toute autre et qui sait, se concentreront davantage sur des aspects plus sombres et belliqueux de celui que l'on nommera alors Gengis Khan. Mongol, le calme avant la tempête ?