8/10L'Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

/ Critique - écrit par riffhifi, le 01/12/2007
Notre verdict : 8/10 - James est l'roi (Fiche technique)

Factuel et descriptif, L'assassinat de Jesse James est pourtant aussi fascinant que le film qu'il a inspiré. Une lecture complémentaire hautement satisfaisante.

Au moment où il sortait dans les salles, vous pouviez trouver L'assassinat de Jesse James en librairie. Le livre du film ? Loin s'en faut : l'œuvre de Ron Hansen date de 1983, bien que sa parution en France ait dû attendre près de 25 ans... Un tort largement réparé aujourd'hui, grâce à la traduction soignée publiée chez Buchet-Chastel. Pour un peu, on aurait envie de découvrir les autres livres de l'auteur, C'est la vie ! et La nièce d'Hitler.

Jesse James, en cette fin de XIXème siècle, est une légende vivante : le gang des frères James écume les banques et les trains sans pitié, mais toujours entourés d'une aura de respectabilité qui leur vaut l'admiration de la majeure partie de la population des Etats-Unis. Parmi les dernières recrues du gang, on trouve le jeune Bob Ford, un fervent admirateur de Jesse, qui sera pourtant sa perte.

Biographie ultra-pointue d'une figure historique ou récit romancé d'une légende de l'Ouest ? Une chose est sûre : Hansen s'est documenté sur le sujet avec la passion et la minutie d'un Bob Ford des temps modernes. Puisant à la fois dans cinq livres écrits sur Jesse James et dans les journaux de l'époque, l'auteur collecte une somme d'informations si considérables qu'on ne peut qu'être sceptique quant à leur authenticité. Les détails sur les braquages de train, passe encore ; la description des vis et des poignées du cercueil de Jesse, passe encore ; mais le composition des repas préparés par sa femme, ou la couleur des lunettes d'un personnage annexe, ne peuvent pas raisonnablement être acceptés comme des éléments vérifiés. Pourtant, tout ici est présenté de façon factuelle, indiscutable ; Ron Hansen décrit chaque situation, chaque action avec une minutie telle qu'il semble l'avoir vécue en personne la semaine dernière. Ou plus exactement, l'avoir observée. Car s'il est une particularité étonnante dans ce roman, c'est l'absence complète de toute évocation du ressenti des personnages : ni sentiments ni sensations, simplement des faits, des détails, des descriptions. Les actes parlent pour leurs auteurs. Cette approche purement factuelle n'empêche ni le suspense ni l'intensité ; mais elle permet de se forger sur les personnages et leurs motivations ses propres convictions, pas toujours faciles à établir. Jesse est décrit comme doux avec sa famille, superstitieux et convaincu de posséder certains pouvoirs mystiques, élégant, occasionnellement très brutal, souffrant de problèmes de santé, égoïste, bravache, audacieux. Il apparaît surtout comme un être pourvu d'une personnalité exceptionnellement forte, à l'inverse d'un Bob Ford qui n'est jamais parvenu à inspirer le respect, la crainte ou la sympathie à qui que ce soit, quelles que soient ses actions. C'est ce que le texte amène à comprendre, sans pour autant juger les personnages.
Le film de Andrew Dominik retranscrit à merveille cette neutralité et cette précision de la narration.

Au jeu des comparaisons anti-chronologiques, tâchons de voir quelles différences apparaissent entre le film et le livre dont il est tiré. Globalement, l'adaptation est fidèle jusqu'à la dévotion, reprenant mot par mot le texte de Ron Hansen. Certaines parties pourtant ont été délibérément écartées de l'adaptation (qui dure tout de même 2h40) : la plus notable est le deuxième chapitre, qui revient sur la période courant de 1865 à 1881, la rencontre entre Jesse et sa femme Zee, les débuts du gang. On comprend aisément qu'une telle partie aurait allongé le métrage, mais la retrouver dans le livre d'origine est un pur plaisir, complétant à merveille la vision offerte par ailleurs du couple. L'autre partie occultée dans le film est la fin, la période allant de mai 1884 à juin 1892 et relatant la vie de Bob Ford après l'assassinat. Réduite dans le film à quelques courtes scènes, elle est ici largement développée, à tel point qu'on en finit par oublier la présence dans la majeure partie du livre du personnage de Jesse James. Un épilogue sans doute trop long, qui dessert légèrement l'ensemble du livre. Il ne faudrait pas pour autant bouder le plaisir de cette excellente édition, qui traduit un réel souci de respecter un texte d'origine complexe, richement écrit mais toujours abordable. Une lecture hautement satisfaisante, et un compagnon idéal au film dont il est tiré...