7.5/10Le Cycle d'Alamänder - Tome 1 - Le T'Sank

/ Critique - écrit par Danorah, le 24/09/2008
Notre verdict : 7.5/10 - T'Sank Hulotte (Fiche technique)

A la fois hommage et parodie, drôle et gentiment impertinent, ce Cycle d'Alamänder s'annonce sous d'excellents auspices.

Avec le Cycle d'Alamänder, Alexis Flamand s'est lancé dans une drôle d'aventure au style indéfinissable, qui tient à la fois du pastiche, de la parodie, de la fantasy et du polar, le tout assaisonné d'une bonne dose d'absurde et d'un certain sens du burlesque. Le T'Sank, premier tome efficace, met en place l'univers sans queue ni tête qui sera le théâtre des aventures du questeur Jonas Alamänder et de tout l'aréopage de personnages doux-dingues dont il est escorté.

Jouant la carte des récits menés en parallèle, Le T'Sank offre divers points d'entrée dans le monde d'Alamänder, chacun d'entre eux en dévoilant un peu plus sur les peuples (surprenants) qui y vivent, la topologie (étrange) du territoire qui le compose, les us et coutumes (curieuses) de ses habitants, et bien sûr les personnages qui vont occuper une place plus ou moins centrale dans l'aventure. Une aventure qui peine un peu à démarrer, ce premier tome s'étalant un peu trop dans son rôle introductif et ne plongeant son personnage principal dans le feu de l'action qu'après un certain nombre de péripéties périphériques et anecdotiques.

Pour faire simple, voici de quoi il s'agit : Jonas Alamänder, questeur mehnzotain de son état (comprendre : enquêteur doté de pouvoirs magiques domicilié à Mehnzota) reçoit un beau jour la visite de deux émissaires du royaume voisin, Kung-Bohr. Ceux-ci lui apprennent que sa maison se trouve désormais en territoire kung-bohréen, et qu'ils ont pour ordre de raser intégralement son petit lopin de terre. Jon part donc pour Ker-Fresnel, la capitale kung-bohréenne, avec l'espoir d'obtenir gain de cause auprès du souverain local, Ernst XXX. S'ensuit toute une série de découvertes, révélations, coups de théâtre, retournements de situation, jeux de dupes et autres duplicités (voire triplicités) improbables, qui amènent Jon à mettre ses talents de questeur au service de Kung-Bohr, et à enquêter sur la mort d'un haut conseiller du royaume...

Voilà pour la trame principale. Si celle-ci vous paraît un peu téléphonée, c'est normal : elle l'est. C'est d'ailleurs ce qui fait tout l'intérêt de la lecture : le bon sens ne semble pas avoir cours dans cet univers déjanté où tout et n'importe quoi peut arriver n'importe où et n'importe comment. Les Kung-Bohréens agissent selon une logique qui n'appartient qu'à eux, et qui ne laisse que très peu de place à des considérations morales jugées superfétatoires. C'est donc dans un joyeux capharnaüm où aucune des valeurs habituelles n'a cours que se retrouvent catapultés Jon et son familier, un démon mineur infâme dénommé Retzel, tout juste bon à avaler tout ce qui lui tombe sous la dent. Le duo comique fonctionne correctement, arrachant régulièrement quelques sourires de commisération (pour Jon) ou d'incrédulité (face au caractère de cochon de l'ignoble créature).

Malgré ce côté anarchique et imprévisible, l'intrigue policière tient remarquablement bien la route, et le fin mot de l'histoire (que les plus perspicaces découvriront sans doute quelques pages avant notre cher mage) témoigne de la fertilité de l'imagination d'Alexis Flamand. Un imagination que décidément rien n'arrête : la seconde intrigue, dont le lien avec la première n'apparaît que tardivement, met en scène un certain Maek, futur maître T'Sank, guerrier redoutable, et sa formation - son auto-formation, plus exactement - aussi originale que déroutante. Déroulée sur un rythme quasi hypnotique, elle constitue un parfait contrepoint aux aventures effrénées et virevoltantes de Jon.

Détournant les codes du récit fantastique avec une certaine adresse, Alexis Flamand met en scène des personnages délirants dans un univers semblable à nul autre, où les champs de blé sont carnivores, où les villes se construisent et s'étendent sous des montagnes, où les vaisseaux de guerre sont des poulpes géants, et où la monnaie se compte en tristes, en rêveurs et en joyeux. Sans oublier, évidemment, les divers clins d'œil aux œuvres majeures de la science-fiction, celle de Lovecraft en tête. A la fois hommage et parodie, drôle et gentiment impertinent, ce Cycle d'Alamänder s'annonce donc sous d'excellents auspices.