8/10Ailes Grises

/ Critique - écrit par juro, le 09/08/2005
Notre verdict : 8/10 - Auréolé de succès (Fiche technique)

Tags : ailes grises haibane dvd renmei francais rakka

Sorti de nulle part, un peu comme les ailes d'un nouvel ange, le nouveau projet du studio Radix, Ailes Grises (Haibane Renmei) est une de ces oeuvres rares, poétiques, aussi bien contemplatives et mystérieuses que joyeuse et légère. Un fait rare qui est dû à l'excellentissime Abe Yoshitoshi...

Sorti de nulle part, un peu comme les ailes d'un nouvel ange, le nouveau projet du studio Radix est tiré d'un dôjinshi, les fanzines de recueil de travaux de mangakas amateurs et il prend pour cadre une ville fortifiée que se partagent anges et humains dans la féerie la plus totale. Ailes Grises (Haibane Renmei) est une de ces oeuvres rares, poétiques, aussi bien contemplatives et mystérieuses que joyeuse et légère. Un fait rare qui est dû à l'excellentissime Abe Yoshitoshi déjà bien connu en France après avoir signé les scénarii originaux à succès de NieA_7 et Serial Experiments Lain. Trois cents douze minutes pour découvrir le quotidien des anges mais aussi quelques secondes d'éternité sur une Terre qui ressemble au paradis et entendre le cri de l'ange qui ressemble fort à celui du cygne...

"I'm no angel, and I feel, and I've got to fly..."

Plus d'anges au paradis... ou presque car la cité de Guri accueille désormais les anges aux ailes grises, les Haibane. Décédée humaine mais ressuscitée ange, Rakka vient juste de sortir de son cocon sous la forme d'une adolescente ailée et auréolée pour disposer d'une nouvelle vie. Très peu de détails filtrent de sa vie antérieure, les premiers instants de la découverte de ce nouvel environnement vont lui permettre de se familiariser avec ce physique inopinée et découvrir les facettes d'une ville somme toute parfaite, bénéficiant d'une vie communautaire exemplaire. Pourtant, des questions récurrentes se pose à Rakka : quel monde se trouve derrière le mur ? Pourquoi aucun livre n'y fait mention ? Quel secret se cache derrière le mystérieux groupe des Toga de la fédération des Haibane ? Autant de questions qui demeurent excellemment bien ficelés pour Rakka et ses congénères bloqués dans un purgatoire qui ressemble au paradis. Les indices se découvrent au compte goutte, la progression est inhabituelle mais l'anime bat aisément de ses propres ailes...

Avec un scénario inhabituel qui échappe à tous les critères du genre, Ailes Grises se révèle être radicalement opposé à une production stéréotypée shônen ou seinen. Ici bas, l'action prend la forme des tâches quotidiennes effectués dans un contexte particulier de huis clos bourrés de questions toutes plus abscondes les unes que les autres, à tel point que le début de l'intrigue se laisse digérer facilement. Pas à pas, le spectateur suit Rakka pour apprendre à découvrir les subtilités d'un monde à l'époque anachronique. Anges, Toga et humains... l'équilibre précaire de Guri accumule les mystères et ne laisse aucun doute sur un dénouement fort, entremêlé de poésie et de romantisme. La vie d'un ange ne serait-elle qu'un purgatoire en vue d'une vie meilleure ? Quel type de signe apportent les corbeaux ? Toujours des questions, peu de réponses pour un thème gééral abordant le rachat des fautes mais qui prend son temps pour se mettre en place.

Mangez du Radix !

Le studio Radix (Sakura Wars, Wind : a breath of heart) se prouve que ses maigres productions pèsent aussi lourds que celles des Gonzo ou Mad House avec ce projet Ailes Grises. La technique est belle et bien au rendez-vous avec des dessins remplis de détails et profondément colorés. L'animation fluide transite à merveille action et réaction, seul le chara design un peu trop classique tâche légèrement l'originalité du titre. Mais à vrai dire, le seul léger point faible reste les personnages principaux, exclusivement féminins, dont les caractères correspondent aux cases habituelles des productions des animes : la rebelle, le garçon manqué, l'intello, la naïve, etc... cependant des particularités obstruent ce point de vue simpliste et chaque personnage gagne en profondeur au cours de l'intrigue d'où un énorme plaisir à partir prendre l'aile (plutôt que la cuisse) pour suivre le dénouement.

Après s'être illustré dans deux genres aussi différents que la comédie ou l'anime expérimental, il n'est donc pas étonnant de le retrouver Abe Yoshitoshi sur un projet totalement différent. Féru adepte du changement registre, il s'attaque à une histoire possédant beaucoup de relief et de double niveaux de lecture. Avec pas mal de brio et sûrement beaucoup d'abnégation à la tâche, Yoshitoshi permet à Ailes Grises de prendre son envol dès le premier épisode et continuer de planer sur le même faux rythme jusqu'à l'aboutissement.

La composition mérite un paragraphe à elle seule. Le seul opening, intitulé Free Bird marque les esprits par son accélération finale digne d'un bon morceau de musique classique où se mélangent violons et tambourin. Un des meilleurs opening récemment écouté par votre serviteur dernièrement, c'est vous dire... l'ending est moins percutant mais tout de même plaisant laissant peser la face mystérieuse de l'intrigue. L'essentiel de la tracklist d'Ailes Grises est sublime et même l'accordéon s'y impose une petite place.

Dybex offre un coffret DVD unique plutôt sympathique avec quatre CD et un livret de 32 pages remplis de détails pour apprendre à mieux connaître la cité de Guri. Peu de bonus intéressants sont à dénoter puisqu'à part les éternels trailers, seule la galerie d'images est originale. Les autres sont du recyclage de l'anime avec un karaoké du générique notamment.

Ailes Grises offre un excellent divertissement contemplatif et artistique, à dix mille lieux des séries bourrines sans profondeur. Avec grandeur et légèreté, Abe Yoshitoshi marque une nouvelle fois les esprits pour taper un grand coup dans la fourmilière et faire d'Ailes Grises un des nouveaux petits phénomènes animés de cette année 2005 dans l'Hexagone. A réserver tout de même à ceux qui voudraient se laisser bercer par un fabuleux conte fantastique pour sentir se pousser des plumes dans le dos...