7/10La Montagne Magique

/ Critique - écrit par juro, le 27/10/2007
Notre verdict : 7/10 - Là-haut dans la montagne (Fiche technique)

Un nouveau Taniguchi, un !

Nouvelle parution pour Jirô Taniguchi dans un format plutôt apparentée à la BD et bizarrement chez Casterman et non sur son label nippon Sakka. Les thèmes propres à l’auteur apparaissent au grand jour une fois de plus avec un fort rappel au Journal de mon Père avec un couple de personnages qui a tout pour nous rappeler Le Tombeau des Lucioles. Mais la dimension fantastique va prendre le dessus et nous conduire au beau milieu des traditions folkloriques Japonaises avec La Montagne Magique.

Salamander

La Montagne Magique
La Montagne Magique
1967. Ken’ichi, 11 ans, orphelin de père, passe l’été dans la ville provinciale de Tottori, en compagnie de sa petite soeur et de ses grands-parents. Bien que ce soit les vacances, l’ambiance est pesante : la mère de Ken’ichi vient d’être hospitalisée pour une grave maladie. C’est dans ce contexte de tensions et de menaces, alors que le garçon esseulé erre chaque jour sans but dans les ruines du château perché sur la montagne de Tottori, réputé héberger des créatures fantastiques, que Ken’ichi vit une expérience extraordinaire. Il est “contacté” télépathiquement par une grande salamandre, captive d’un vivarium au musée local… L’animal lui propose un pacte : exaucer n’importe lequel de ses voeux si le garçon lui redonne la liberté et lui permet de regagner son royaume, sous la montagne du château, où jaillit une source merveilleuse…

Le passage d’une triste réalité à un émerveillement pour le fantastique s’avère une marotte payante et inusable chez Taniguchi. L’auteur prolifique de one-shot se montre à l’aise dans ce genre de registre dans lequel le souvenir incessant est un fond de commerce usité à toutes les sauces… et souvent avec brio. Cette fois-ci sans plus mais le travail de l’auteur se concentre sur une quête initiatique tout en légèreté d’un duo de frères et sœurs naïfs dans le Japon de la seconde moitié du XX° siècle. En imaginant un plan familial plus que précaire, l’auteur arrive à se dépatouiller de la première direction dans laquelle son manga semble plonger, celui de pauvres orphelins (ou presque) au côté larmoyant affirmé. On s’imagine partir dans un chemin dramatique mal embarqué mais l’auteur introduit un nouveau personnage animal, une salamandre pour donner une dimension fantastique et relancer son scénario dans une direction inespérée et un dénouement totalement ans l’esprit Taniguchiste entre nostalgie et espoir.

Je rêvais d’un autre monde

Pas besoin d’un grand déluge d’action pour rester sous la coupe du maître. On ne se lasse pas de ces histoires merveilleuses dans lequel ces personnages tellement humains parviennent à dépasser la première impression que l’on se fait d’eux. Plus le manga progresse, plus on a l’impression de se retrouver en terrain connu, entre des visions déjà aperçus dans Le Journal de mon Père ou Quartier Lointain. On pourrait presque dire que Taniguchi s’auto plagie en créant un titre qui se veut l’inverse de Quartier Lointain. Le déroulement de l’intrigue se fait à l’imparfait montrant les réflexions d’un homme sur sa vie d’enfant avec un point de vue détaché et honnête.

L’innovation graphique ne se produit pas. La signature de Taniguchi est affirmée et le format rend d’autant plus grâce à son dessin que les autres. Un bel ouvrage à la couverture cartonné qu’on prend plaisir à feuilleter car il est aussi tout en couleurs et ceci serait presque une première pour l’auteur qui n’avait jusque là produit que quelques pages au sein de ces mangas (K notamment). Les personnages possèdent cette allure commune à tout titre de l’auteur qui rend visiblement un hommage appuyé à celui de nombreuses enfances nippones dépourvues de rêve, comme pour ne pas oublier que lui aussi a été dans cette situation.

La Montagne Magique se comporte un des ces ouvrages à classer avec les titres du même auteur et aux personnages enfantins vivant une aventure fantastique. Ni plis, ni moins. Et même si celle-ci s’aventure plus courte et avec une portée moins importante, on appréciera le travail toujours impeccable d’un auteur phare.