8/10Satsuma, l'honneur de ses samouraïs

/ Critique - écrit par juro, le 06/01/2005
Notre verdict : 8/10 - Samouraï contre samouraï (Fiche technique)

Tags : satsuma samourais honneur manga hirata hiroshi critiques

Défier un samouraï revient à mettre sa vie en jeu et mettre sa vie en jeu revient à user du sabre... Quand deux castes de samouraïs s'affrontent au grand jour, le sabre s'use et lorsque cet affrontement prend la tournure d'une guerre civile, les vies ne tiennent plus qu'à un fil...

Satsuma
Satsuma
Un gekiga est une approche différente du manga. Rien d'extraordinaire, juste une histoire qui touche à la réalité de la vie quotidienne pour évoquer un drame. Le drame faisait justement parti de la vie quotidienne des samouraïs, des hommes d'honneur souvent subordonnés aux ordres d'un seigneur qui passe pour un tyran. Pourtant, des castes existent au sein même de la classe de samouraï et les tensions sont sur le point d'éclater après des événements débordants de testostérone. Sur les traces de
Lone Wolf & Cub et Kaze no Shô, voici Satsuma, l'honneur de ses samouraïs, une autre quête de vengeance qui ne sont pas fait que des combats. Mais bien évidemment, les conflits sont légion et les sabres vont se dégainer, les lames trancher, le sang couler !

Mangeurs de patates contre samouraïs sous le château

Entre jôkashi et gôshi une rivalité certaine existe. Les deux sont pourtant des samouraïs au service du seigneur de Satsuma. La même vocation, les mêmes devoirs mais des conditions de vie différentes. Les jôkashi sont entièrement dévoués au seigneur et vivent au sein du château. De leur côté, les gôshi doivent exercer une activité annexe pour nourrir leur famille et vivent dans la misère. De plus, ils supportent mal l'autorité et les multiples provocations des jôkashi qui vont jusqu'à les qualifier des « mangeurs de patate ». Les tensions s'aggravent, la pression monte, les débordements se règlent au sabre.

Sakon Shiba est le leader des gôshi. Ses maigres compensations liées à sa vocation ne suffisent pas à assurer l'avenir de sa famille, il exerce donc le métier de charpentier quand le sabre est rangé dans le fourreau... Ce jour, lorsqu'il a revêtu son habit de samouraï, Sakon ne s'attendait sûrement pas à rencontrer la velléité des gôshi pour un incident mineur et voir tomber l'un de ses camarades sous les coups de boutoir furieux du sabre du leader des jôkashi. Incapables de répondre immédiatement en vertu de leur honneur, le sort en est désormais jeté et l'heure de la révolte a sonné. La guerre entre samouraïs est sur le point d'éclater. Pour éviter le retour de bâton du shôgun, le fief de Satsuma doit envoyer ses meilleurs samouraïs éxécuter des travaux de paysans. Une honte à accepter avec dignité... et moult rebondissements.

Des hommes d'honneur

Même si l'esprit du guerrier se retrouve au travers des combats au sabre, Satsuma, l'honneur de ses samouraïs est avant tout une réflexion sur la condition du samouraï. Les principes et traditions sont représentés de manière évocatrice, la vie au service de l'ordre est une épreuve de tous les jours. Hiroshi Hirata a mené un travail de recherche complètement fou pour décrire au mieux les impressions de quelques hommes d'honneur au milieu d'une époque violente. L'image du fier samouraï est mise à mal par le mangaka, en pointant du bout de sa plume la manière dont survivent ces « chevaliers » dont l'orgueil doit être ravalé lorsqu'il se mêle aux petites gens pour exercer les mêmes professions... C'est une véritable fresque historique du XVIIe siècle à laquelle nous convie Hirata en insistant sur le fait que très peu de gens connaissent véritablement bien l'art de vivre d'un samouraï, même parmi les japonais. Il s'en dégage une nostalgie palpable sur la disparition irrévocable de ces derniers défenseurs du serment de servitude au fief, c'est d'ailleurs la force du manga. L'émotion qu'il parvient à dégager sans effet spectaculaire notoire est due à une très bonne narration, peu présente par les longs discours mais par les attitudes des personnages face à leurs destins.

Torture, vengeance, bataille, duel à profusion, fresque historique... Encore plus poussé que Lone Wolf & Cub sur ce dernier point, c'est un livre d'histoire totalement plongé dans la réalité et propre au style du gekiga. Le manga fourmille de détails historiques dans le contexte difficile du shôgunat et devient admirable dans les causes à effets qu'il parvient à faire coïncider avec le scénario. Malheureusement, l'intrigue relativement classique et quelques baisses de rythme font perdre un peu de sa saveur à l'ensemble qui reste tout de même très largement au dessus du lot, notamment en ce qui concerne le dessin.

Les points communs avec Lone Wolf & Cub ne s'arrêtent pas simplement au contexte. La principale qualité du mangaka est certainement de livrer des planches divinement remplies. La couverture vaut à elle seule le détour et Hiroshi Hirata n'a pas grand-chose à envier à Goseki Kojima sur ce point. Les superbes dessins, sur une ou deux planches, avec moult détails révèlent un trait assuré et hachuré, d'autant plus que la calligraphie est superbement mise en place. Les combats sont parfois un peu gores mais fourmillent de caractéristiques même si ce sont véritablement les planches zoomant sur les personnages principaux qui atteignent la perfection. Hirata touche du doigt un sujet qui ne demande qu'à être développé brillamment au travers d'illustrations aux proportions pharaoniques. Surprise avec la présence de rares passages en SD. Et pour combler le tout, Akata/Delcourt livre une superbe édition dans sa nouvelle collection Combats.

Satsuma, l'honneur de ses samouraïs se trouve dans la ligne droite des grands mangas de samouraïs mais ses inscriptions historiques sauront séduire les lecteurs à la recherche de culture nippone et sur la caste particulière de samouraï. Un potentiel concurrent pour Lone Wolf & Cub qui possède la particularité d'être un des rares gekiga parus en France, un genre dont la qualité n'est plus à vanter.