4.5/10Gescom - A1-D1

/ Critique - écrit par Dat', le 30/01/2008
Notre verdict : 4.5/10 - B64D§2XW3µLK¤P9 (Fiche technique)

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Même si l'on est encore obligé de s'incliner devant le jusqu'au-boutisme de la démarche, Gescom, sur cette dernière livraison, déçoit.

Gescom est sûrement l'un des groupuscules les plus mystérieux que l'on puisse trouver dans la musique électronique. (Avec Underground Resistance évidemment). Composé d'une vingtaine de musiciens/membres/producteurs dissimulant leurs identités, il est par contre avéré que le groupe Autechre en est une des têtes pensantes. (L'une des formations les plus influentes de l'électronique expérimentale... Si Radiohead a commencé à partir dans les délires « post Ok Computer », c'est en parti à eux qu'il faut s'en prendre). Expérimental Gescom. Conceptuel Gescom.

Le summum de l'énigmatique sera touché avec leur disque « Mini Disc » première sortie mondiale exclusivement Minidisc, (avant de le rééditer en format « normal » 4 ans plus tard) contenant 88 morceaux ( !! ) très courts, poussant l'auditeur à écouter le disque en mode aléatoire, pour former à chaque écoute un disque différent. L'invention même du disque mutant, protéiforme. Celui qui se réinvente par lui-même. Par la machine qui l'ingurgite. Là où la musique d'Autechre a toujours, depuis Confield, prêché la mise en abîme du musicien face au pouvoir de ses machines, le concept de l'album de Gescom était parfait. Pourtant, à cette exception près, la musique de cette faction sonore reste bien plus accessible que celle des deux zozos d'Autechre.

Nouveau disque, toujours chez Skam, (qui compte dans ses rangs les musiciens Bola, Boards Of Canada ou Wevie Stonder) arpentant encore sans détour la démarche anonymo-conceptuelle de la formation : AUCUN crédit n'est apposé sur la pochette (ce qui est assez rare au vu de la parano ambiante sur l'utilisation frauduleuse de la musique). Le nom du groupe, lui, n'est indiqué qu'en braille...

 

Scrrriiiittchfiiiizzz

Grand amateur de longues fresques électroniques, on fonce la bave aux lèvres sur A1. Et les espérances sont comblées en un instant. Le morceau est un long délire partant d'un simple break Drum and Bass, qui va petit à petit muter, s'étendre, se tordre, exploser, pour se faire littéralement tabasser par un synthé tapageur, mélodique mais bien nerveux, le tout sur 7 minutes. Comme si le vieux vinyle Saturday Disco Night Vol 2 de votre père se mettait à tonner rébellion, embarquant et contrôlant tous les appareils électriques de votre appart, histoire de vous faire la peau dans les règles. L'invasion des machines a bel et bien commencé, et c'est en remuant les hanches que les processeurs informatiques vont régner sur le monde. Un morceau d'une classe folle, grande réussite, tordu tout en restant évident, expérimental tout en étant imparable. Tuerie.

A introduction folle, conclusion de haute volée. Sur un peu moins de 10 minutes pour le coup. Long déploiement accidenté, D1 fait flirter beats concassés et bleeps old-schools, charcutant un semblant de voix, laissant à peine de place pour une fragile ligne de synthé, presque indiscernable. On hésite entre les vieux Aphex Twin période analogique en plus âpre et les élucubrations des premiers LFO. D'autant que les zébrures crades risquent de rendre barges les moins téméraires. Le titre va petit à petit se nécroser sur lui-même, utilisant des bribes de voix pour seule tension mélodique.

Superbe prochatte du précédent disque,
Superbe pochette du précédent disque, "ISS:SA"
Entre les deux ? C'est là où un problème se pose. Si la Minimale à eu la côte ces dernières années, on a pu assister, en marge de ce mouvement, à un petit revival Acid pas piqué des hannetons, faisant plaisir à pas mal d'auditeurs en manque de textures sautillantes. Mais si des types comme Ceephax ont réussi à déterrer le mouvement de la meilleur des façons, en rajoutant de petits ingrédients salvateurs à la recette (De subtiles touches Rave, de la musique 8 bits...), Gescom va s'y essayer engouffrer avec moins de folie. Pas de crime pour nos tympans, mais aucun signe d'excitation non plus : A2 est bien foutue, la montée est bonne. Mais rien de bandant sous les pavés. Le groupe va même essayer de nous traumatiser avec l'effarant C2, sorte de musique concrète de fin du monde, indéfinissable. Imaginez la musique claudicante d'un joli manège à chevaux de bois. Superposez la litanie sur elle même 10 fois, et accélérez le tout par 100. Vous y êtes. Un marasme à faire pâlir les fans de « It / ça », le clown aux mœurs bien liberées.

On sera déjà un peu plus convaincu par la cavalcade bruitiste et bouncy de B1, techno lacérée de bruits non identifiés, de « Scriiiiiitchhhhhfiiiiizzzzz » maîtrisés et autres joyeusetés technologiques. Jouissif. Mais pas renversant. A ces trois titres manque le plus important : une âme.

 

Atari teenage mi-flop

Et c'est donc avec un sourire aussi grand que celui du Chat de Cheshire que l'on se plonge dans C1, superbe petite complainte saccadée, où la mélodie, belle comme la mort, a enfin la vedette. Les beats filent presque aléatoirement, blessant la mélopée comme de multiples coup de poignards. Cette dernière se traîne, souffre, hoquette, mais avance sans fléchir. Elle se faufile, meurtrie, violentée, mais toujours debout, nous crachant coûte que coûte sa beauté en pleine face. Une vraie petite reussite.

 

Mais cette note positive ne nous aveuglera clairement pas du constat final sur cette nouvelle livraison de Gescom : Mitigé.

L'équation est simple : 3 titres de grande qualité, 1 titre sympathique et deux essais stériles, la bande masquée loupe une marche, et se rattrape in extremis à la rampe. Certes, le disque plaira aux personnes en manque de digressions électroniques. Car si le disque n'est composé que d'une demi-douzaine de titres, ces derniers offrent tous entre 5 et 10 minutes de bidouillages. Mais on est à des siecles des petits chefs d'œuvres que sont les derniers Clark ou µ - ziq. Donnée importante, A1-D1 ne coûte que 9 euros, chose EXTREMEMENT rare dans la nébuleuse électronique Warpienne (Qui ne s'est jamais gêné pour vendre un mini-EP autour de 20 euros) On pourra aussi se rassurer devant la constante ligne de conduite du groupe, ne cédant toujours pas une seule once de normalité dans leur démarche, toujours aussi jusqu'au-boutiste. Dans le fond, comme dans la forme.

Mais que l'on ne s'y trompe pas, le principal intérêt de ce présent disque est bien de nous faire patienter jusqu'au prochain album d'Autechre, prévu pour début Mars. Gescom ne nous avait pas habitué à n'être qu'un simple marchepied...

 

Gescom - A1-D1
01. A1
02. A2
03. B1
04. C1
05. C2
06. D1