8/10Le Diable Rouge

/ Critique - écrit par Matou, le 14/05/2009
Notre verdict : 8/10 - RICH e(s)t royal (Fiche technique)

Claude Rich interprète l'intrigant Cardinal Mazarin qui, entre intrigues, complots et manipulations, dirige un pays au bord de la ruine. Et c'est tout juste formidable...

Au sommet de son pouvoir mais à la fin de sa vie, le Cardinal Mazarin achève l'éducation du jeune roi Louis XIV, sous le regard de la reine-mère Anne d'Autriche et d'un Colbert qui attend son heure. Tous ces personnages, leurs calculs et leurs rivalités ne sont pas sans rappeler les jeux du pouvoir et ces liens étroits entre affaires publiques et vie privée dont nous sommes témoins aujourd'hui sur la scène politique. Tant il est vrai que les régimes changent mais que les motivations des hommes restent les mêmes...

Le Diable Rouge
Le Diable Rouge
Trois coups résonnent et le rideau se lève. Le décor est sobre et recherché à la fois ; un plafond-miroir qui donne une impression de grandeur, des sols irisés, de grandes tentures aux couleurs chaudes. Les quelques accessoires (candélabres, bureau et chaise d'époque) qui agrémentent le spectacle sont suffisants à accompagner les acteurs et nous plongent à l'époque du Diable Rouge.

On aperçoit alors un vieil homme recroquevillé dans un sofa et recouvert d'étoffes de soie. Immobile, on le croit mort. Claude Rich réussit son entrée. Le cardinal Mazarin, premier ministre de la régente Anne d'Autriche, nous trouble par sa fragilité et sa puissance d'homme d'Etat et de pouvoir.

Le vieillard est malade. Pourtant agonisant, il n'en demeure pas moins espiègle et manipulateur. Il peaufine l'éducation du jeune Louis XIV en tentant de l'initier à sa soif de pouvoir. Trente ans que la guerre fait rage entre la France et l'Espagne. La régente Anne d'Autriche veut mettre un terme à ces affrontements incessants. Mazarin, lui, prépare sa sortie politique et négocie en secret la paix en échange du mariage du jeune roi avec l'infante d'Espagne. C'est sans compter sur l'amour naissant entre Louis XIV et Marie Mancini, nièce du Cardinal. Une page d'Histoire se mêle aux tourments d'un roi puissant qui ne peut choisir celle qu'il aime sous peine de compromettre son royaume.

Claude Rich joue l'équilibriste entre humour et légèreté, ambiguïté et manipulation. On saluera sa performance épatante qui nous a emporté dès le levé du rideau jusqu'au salut des artistes. Anne d'Autriche, Geneviève Casile, est la seule capable de tenir tête à ce cardinal diabolique. Sa présence est royale et ses répliques font mouche. Bernard Malaka est un excellent Colbert, juste et sobre. Il attend son heure et convoite sa part de pouvoir. Adrien Mélin est un Louis XIV fougueux et énergique.

Antoine Rault a écrit la pièce en 2008. La mise en scène fine et précise est de Christophe Lidon. Si l'histoire est ancienne, elle nous parle. La France est endettée, les caisses sont vides, il faut lever des impôts. «Mais pas chez les riches, car un riche qui dépense fait vivre des centaines de pauvres». Comment ne pas penser à la situation actuelle de l'Etat et aux jeux de pouvoir dont nous sommes les témoins impuissants. Un moment de détente mais aussi de réflexion sur des enjeux que nous ne maîtrisons pas.

Notons que Le Diable Rouge a été récompensé par deux Molières "techniques" dans les catégories décorateur et scénographe. Molières mérités tant les acteurs nous font passer un excellent moment entre histoire et humour, grandeur et déclin, prince et consorts. Pour un résultat... royal !